Modélisation de la rétrodiffusion de particules fines carbonées pour l’exploitation de données lidar

Le laboratoire CORIA rerute dans le cadre d'un contrat doctoral, un-e doctorant-e afin de réaliser une thèse sur le sujet : 

Modélisation de la rétrodiffusion de particules fines carbonées pour l’exploitation de données lidar.

Acronyme : RetroDiff
Mots clés (4)/Keywords (4) : LIDAR, Suie, Métrologie, particules fines, fractals
Thématique Scientifique : Interaction lumière-particules
Type d’allocation envisagée : Région Normandie 50% - ONERA 50%
Programme de recherche associé (ANR, Europe, Contrat, etc…) : Ensemble des projets de l’équipe.

 

 

Directeur de thèse (HDR) :  Yon Jérôme

Nombre de thèses dirigées en cours et date de soutenance prévue :
2 (Maxime Joret, prévision septembre 2024, Mijail Littin, prévision octobre 2025).


Co-directeur de thèse (HDR) : Ceolato Romain (ONERA Toulouse, département Physique, instrumentation, environnement, espace)


Co-encadrant : Mazur Marek

Que ce soit pour améliorer la qualité de l’air, réduire les impacts sanitaires des particules fines ou encore mieux appréhender leur contribution sur le réchauffement climatique, il est nécessaire d’améliorer la quantification des émissions particulaires ainsi que l’évaluation de leurs propriétés radiatives. Les techniques optiques in-situ sont les seules qui peuvent être mise en oeuvre dans des environnements complexes ou à grandes échelles. A ce titre, les techniques LIDAR sont particulièrement intéressantes pour sonder, dans le cadre de ce projet, les émissions particulaires des moteurs d’aéronefs. Cependant, ces particules ont une morphologie complexe et une composition variable nécessitant l’emploi de modèle soit trop simplistes (théorie de Mie non adaptée à la prise en compte de leur morphologie) soit trop lourds (résolution numérique rigoureuses des équations de Maxwell). Dans ce contexte, ce travail dethèse vise à améliorer la modélisation des sections efficaces d’absorption, de diffusion totale et arrière (rétro-diffusion) des agrégats de type suie / Black Carbon en vue d’une implémentation dans les codes d’inversion de signaux LIDAR. Pour y parvenir, des calculs rigoureux de sections efficaces seront réalisés numériquement à l’aide d’agrégats virtuels à morphologie réaliste. Une analyse morphologique fine associée à une étude du champ électrique interne seront réalisés afin de mieux évaluer ces sections efficaces. Cette modélisation des propriétés radiatives pour ces particules sera mise en oeuvre pour interpréter les résultats de campagnes de mesures auxquelles le/la doctorant(e) participera.

Le carbone noir (BC), encore appelé suie, est le produit de la combustion incomplète d'hydrocarbures et de biomasse [1]. Ces particules sont constituées d'agrégats fractals de monomères ultrafines, qui ont un rôle important sur les échanges radiatifs terrestres et donc une contribution importante sur le réchauffement climatique [2, 3]. En outre, ces particules constituent une menace pour la santé humaine car elles sont considérées cancérigènes et sources de maladies respiratoires en raison de leur taille nanométrique [4] et de leur composition [5], elles exercent par ailleurs un rôle néfaste sur la qualité de l’air en milieu urbain [6, 7].
Enfin, les aérosols BC émis par les moteurs d'avion (également connus sous le nom de particules non volatiles) sont des noyaux de glace potentiels pouvant induire la formation de cirrus [8, 9], ce qui peut avoir un impact sur les régimes de précipitations[10]. L’évolution rapide des normes relatives aux émissions particulaires conduit les constructeurs de moteurs d’avions à réduire drastiquement leurs émissions particulaires. Pour ce faire, ils ont recours à de nouveaux carburants et il convient de quantifier précisément l’impact de ces nouveaux carburants sur les émissions que ce soit en termes de fraction volumique ou de taille.

Cependant, des incertitudes considérables subsistent sur le forçage climatique net des aérosols type BC en raison de la grande variété de substances englobant des suies fraîchement émises et des suies plus âgées ayant interagi avec les substances atmosphériques. Ainsi, la quantification des émissions d'aérosols de carbone, c'est-à-dire le nombre de particules agrégées ou encore leur concentration massique ou la détermination de leur taille représente une tâche difficile mais essentielle pour faire progresser notre compréhension de leur rôle dans le réchauffement climatique et sur la santé.

Diverses techniques sont disponibles pour caractériser les aérosols de carbone, telles que le photomètre d'absorption sur filtre, la mesure photo-acoustiques, l’interférométrie photo-thermique, l'aethalométrie, ou reposant sur les principes de diffusion de la lumière [11]. Par exemple, l'instrument Single Particle Soot Photometer (SP2) utilise l'incandescence induite par laser et la diffusion de la lumière. Le Scanning Mobility Particle Sizer (SMPS) peut déterminer la taille des particules et la fraction volumique des particules de suie. Le SP-AMS peut fournir une analyse en ligne des composés chimiques à particules. L’ensemble de ces instruments et techniques sont par nature locales, nécessitent une phase de prélèvement intrusive des aérosols. Pour ces raisons, il sont plutôt adaptés à des mesures en laboratoire avec des contraintes liées à leurs complexité et à un cout généralement prohibitif [12]. En substance, ces techniques ne sont pas adaptées à une mise en oeuvre sur des systèmes complexes et à plus grandes échelles, comme en sortie de moteurs ou dans les panaches d’incendies.
En revanche, le sondage optique tel qu’opéré par le lidar à rétrodiffusion élastique (EBL) est une technique active de télédétection qui permet de caractériser les aérosols sans contact et à distance [13, 14]. Des développement récents exploitant des lasers à impulsions brèves ont permis d’améliorer drastiquement la résolution spatiale (jusqu’à quelques mètres) et temporelle de cette technique autorisant leur mise en oeuvre à proximité des sources de particules [15].

Cependant, l’exploitation des signaux collectés (rétro-diffusés et auto-absorbés sur le trajet optique jusqu’à l’appareil) nécessite une modélisation précise des sections efficaces d’absorption, de diffusion totale et arrière. Or, il est maintenant avéré que la prise en compte de la morphologie complexe des particules dans l’évaluation de leurs sections efficaces est nécessaire [16]. En effet, l’usage classique de la théorie de Mie (théorie rigoureuse pour des particules sphériques) n’est pas adaptée pour la mesure en rétro-diffusion qui est très dépendante de la morphologie des particules. Pour cette raison, il semble pertinent de faire appel à une théorie d’interaction lumière particule adaptée aux particules agrégées dites fractales appelée RDG-FA [17]. L’ONERA et le CORIA se sont récemment penchés sur cette approche et ont obtenus des résultats prometteurs [15]. Cependant, les travaux numériques récents menés par Clément Argentin, également issus d’une collaboration entre l’ONERA et le CORIA, ont permis d’identifier les causes physiques de phénomènes de couplage interne (encore appelée multi-diffusion) pouvant affecter de façon importante les prédictions de la RDG-FA, pouvant conduire à une forte surestimation des sections efficaces des agrégats fractals [18, 19]. Ces travaux ont non seulement permis l’élaboration d’une méthodologie d’analyse pertinente reposant sur l’outil phasoriel [20] mais également permis d’aboutir à une modélisation de facteurs correctifs implémentables dans la RDG-FA [19]. Ils ont enfin montré comment le couplage interne peut affecter les propriétés angulaires de diffusion[18]. Cependant, ces développements ont été pour le moment limités à des agrégats de sphères en contacts ponctuels et nous savons que le recouvrement des sphérules constaté en microscopie électronique est susceptible d’affecter également les propriétés radiatives des particules [21]. Il convient donc de poursuivre les travaux de Clément Argentin avec des particules de morphologies plus réalistes. Il se trouve que le CORIA a développé dans le cadre de la thèse de José Moran un outil de génération réaliste d’agrégats virtuels reposant sur le couplage de simulations numériques à méso et nano échelles [22]. Nous disposons donc à la fois des méthodes numériques de génération d’agrégats à morphologie réaliste ainsi que d’une méthodologie d’analyse de leurs propriétés radiatives pouvant contribuer à une amélioration significative de l’évaluation des sections efficaces des particules de suie.

A la lueur de ces éléments, les objectifs de la présente thèse sont :
- de poursuivre l’analyse entreprise dans la thèse de Clément Argentin afin d’améliorer les modèles prédictifs de sections efficaces de diffusion et d’absorption des particules de suie en tenant compte du couplage optique interne,

- de participer à des campagnes de mesures LIDAR en conditions maitrisées et d’exploiter les mesures à l’aide des outils développés au point 1.

Le sujet de thèse porte donc sur l’acquisition et l’exploitation de données LIDAR récoltées à proximité de sources de combustion ou de foyers d’incendies. Cela implique une prise en main des techniques LIDAR (1) ainsi qu’une maitrise des méthodes d’inversion usuelles (2). Afin de faire progresser l’exploitation des signaux récoltés, il convient d’améliorer les modèles prédictifs d’interaction lumière-particules de type agrégats fractals. Ceci passe par une caractérisation avancée de la morphologie des agrégats de suie (3) et une détermination rigoureuse de leurs propriétés radiatives (4) suivie d’une proposition d’amélioration des modèles en vigueur de type RDG-FA (5). Il conviendra ensuite de valider les résultats obtenus en effectuant des mesures LIDAR sur une source de particules maitrisée (6). L’étude s’achèvera par une valorisation des avancées scientifiques (7).

Tâche 1-L’étudiant(e) participera à des campagnes de mesures organisées par l’ONERA qui serviront d’exemple d’application pour la présente étude. Il/Elle aura à comprendre et maîtriser les différents éléments du dispositif de mesure LIDAR utilisé. Il n’y a pas de contraintes temporelles pour la réalisation de cette tâche.

Tâche 2- Le/La doctorant(e) devra étudier la littérature scientifique concernant les techniques LIDAR, et les méthodes usuelles d’inversion. Il lui sera demandé de prendre en main des codes d’inversion utilisés par l’équipe encadrante à l’ONERA. Une étude de propagation d’erreur permettra d’identifier la précision souhaitée des paramètres clef (sections efficaces de diffusion totale, arrière et d’extinction).

Tâche 3- Le/La doctorant(e) aura à étudier la morphologie des agrégats fractal (agrégat de sphérules primaires). Pour ce faire, il/elle devra prendre en main des codes numériques tels que FracVal [23] ou MCAC [22, 24-26] développés par le CORIA. Ces outils permettent d’obtenir des agrégats virtuels de type suie. Il/Elle devra caractériser la morphologie de ces agrégats virtuels à l’aide d’outils numériques d’évaluation de leur fonction d’autocorrélation de paire. Si la dimension fractale est considérée comme un paramètre clef de la morphologie des agrégats, l’ONERA a démontré dans la thèse de Lucas Paulien que ce paramètre fractal n’était pas le paramètre le plus impactant sur la section efficace de rétrodiffusion. Par ailleurs, le CORIA a récemment montré l’impact important d’un autre paramètre : le facteur de compacité (packing factor) [27]. Ce dernier doit être exploré, notamment afin de mieux quantifier son lien avec le recouvrement des sphérules primaires (overlapping) et le nombre de coordinance (nombre moyen de contact entre une sphérule et ses voisines). Il/elle devra enfin étudier le facteur de structure de ces particules (transformée de Fourier de la fonction d’autocorrélation de paire) afin d’évaluer l’impact de la prise en compte d’une morphologie réaliste sur les propriétés de rétrodiffusion (sans considérer le couplage optique interne à ce stade).

Tâche 4- L’étudiant(e) aura à calculer de façon rigoureuse les sections efficaces de diffusion et d’absorption des agrégats générés dans la tâche précédente. Il/Elle pourra, pour ce faire, utiliser des codes sources libres tels que DDSCAT ou ADDA dont il conviendra également de faire une étude bibliographique afin d’en comprendre le principe de fonctionnement. En plus des sections efficaces directement évaluables par ces codes, il/elle devra être en mesure d’extraire l’information du champ électrique interne aux particules. Dès lors, il/elle pourra mettre en oeuvre l’approche phasorielle développée par Clément Argentin [18-20].

Tâche 5-Le model proposé par Argentin sera alors confronté à des compacités locales variables obtenues en modifiant plus ou moins le taux de recouvrement des sphérules. Il est souhaité que le/la candidat(e) parvienne à enrichir le modèle d’Argentin d’une dépendance au facteur de compacité. Ceci sera effectué pour des indices optiques de suie couvrant les différentes natures de particules que le peut rencontrer (carbone noir, carbone brun). A ce stade, le/la candidat(e) sera capable d’appréhender le rôle des effets de la diffusion multiple interne sur les propriétés radiatives (sections efficaces d’intérêt) qui s’ajouteront aux effets purement morphologiques (Tâche 4).

Tâche 6- L’étudiant(e) proposera une modification du modèle RDG-FA et l’appliquera à l’inversion de mesures LIDAR (Tâche 1) avec des approches classiques et avec les modèles issus des Tâches 3-5. Le/La doctorant(e) devra alors confronter ses résultats avec ceux obtenus par des méthodes indépendantes de référence. Pour ce faire, il conviendra de mettre en oeuvre la technique LIDAR sur une source stable, reproductible caractérisée par d’autres techniques soit non optiques (prélèvement et analyse SMPS) ou optiques (de type MW-LOSA). Cette étape permettra de valider un nouveau modèle RDG-FA « modifié » pour la rétrodiffusion issu des travaux développés en tâche 5.

Tâche 7- L’étudiant(e) valorisera au mieux l’ensemble des avancées scientifiques de ce travail. Que ce soit sur le plan morphologie (Tâche 3), radiatif (Tâche 4 et 5), ou applicatif (Tâche 6). Ces trois domaines couvrent des spécialités ou domaines d’intérêts différents et pourront par conséquent être valorisés dans des revues différentes (à titre d’exemple, Journal of aérosol Science pour la première, JQSRT pour la seconde et Fire safety Journal pour la dernière).

Expérience et formation :

Le/La candidat(e) devra avoir obtenu son M2 et/ou un diplôme d’ingénieur. Des connaissances en interaction lumière-particules et en techniques optiques sont indéniablement un plus pour ce projet.

Canaux utilisés :

Il s’agit d’une thèse essentiellement numérique. Un accès aux calculateurs du CRIANN sera demandé pour la génération d’agrégats virtuels ainsi que pour le calcul de leurs propriétés radiatives. Les frais de missions permettant de participer aux expériences de terrains seront couvertes par l’ONERA. La thèse se déroulera essentiellement au CORIA. Des missions de plus ou moins longues durées auront lieu sur le site de l’ONERA Toulouse).

L’affectation principale sera à St Etienne du Rouvray (76) au sein du laboratoire CORIA. Le/La doctorant(e) sera amené(e) à participer à des expériences lors de campagnes de mesures et pourra effectuer des missions à l’ONERA Toulouse. La thèse pourra débuter entre septembre et décembre 2024. Une augmentation régulière de la rémunération des doctorants est programmée. Le revenu brut mensuel débutera à hauteur de 1898 euros en 2024 pour culminer à 2078 euros en 2027.


Envoyer votre candidature par mail aux adresses suivantes :
jerome.yon@insa-rouen.fr et romain.ceolato@onera.fr
Cette dernière devra contenir votre CV, une lettre de motivation, les matières suivies au sein de votre cursus de spécialisation, vos notes et classements. Vous pouvez, si vous en disposez, ajouter une lettre de recommandation.
Un nombre réduit de dossiers sera sélectionné pour un entretien oral (par visio). Le laboratoire CORIA et l’ONERA relèvent de Zones à Régimes Restrictifs (ZRR), une enquête administrative sera donc menée sur les dossiers sélectionnés. Cette dernière reposera sur votre CV, une pièce d’identité. A l’échéance de cette enquête qui peut durer 2 mois, le candidat final sera averti et pourra entamer les démarches d’inscription administrative.


Calendrier prévisionnel :
Mise en ligne de l’offre : 1er février
Délais pour déposer vos candidatures : 4 mars 2024
Période d’entretiens : 11-29 mars 2024
Période d’enquête administrative : avril-mai 2024
Décision : 1 juin 2024
Période d’inscription en thèse : juin-juillet 2024
Début de la thèse : septembre – décembre 2024